JAMMET

Le suivi de colis sur smartphone

La flotte frigorifique Jammet, à Poitiers, exploite un nouveau logiciel de transport, Traplus Web,  ainsi qu’une informatique mobile de même marque qu’elle finit de déployer à l’automne 2017.  Jean-François Bon, le directeur général, explique sa stratégie de traçabilité des colis, des températures, ainsi que le suivi des données techniques des véhicules, avec un leitmotiv : limiter les interfaces et faire appel à chaque spécialiste dans son domaine.




Le Guide : Vous utilisez depuis le printemps 2017 la nouvelle interface Traplus Web de votre logiciel de transport (TMS), relié à l'informatique mobile Distrimobile du même éditeur niçois A Plus Informatique. Expliquez-nous tout d'abord la genèse de ce projet, et donc de votre exploitation informatisée.


Jean-François Bon : La relation Informatique entre A Plus Informatique et les Transports Jammet remonte à 1999. J'étais alors directeur technique de l'entreprise. Dès cette époque, nous avons eu la volonté d'utiliser le logiciel de gestion des transports Traplus pour administrer l'ensemble de nos activités, de l'exploitation au parc en passant par la comptabilité et l’atelier. Nous utilisons aujourd'hui l'ensemble des modules de ce progiciel.



Comment a évolué votre utilisation du logiciel de transport, jusqu'à aboutir à un suivi des opérations de livraison ?


Nous avons simplement suivi l'évolution de cette suite logicielle jusqu'en 2015, époque à laquelle nous avons décidé de nous équiper d'informatique embarquée. Dans cette réflexion, nous avons d'abord envisagé d'acquérir un système global, une “boîte noire” embarquée qui ferait tout (suivi des températures, remontée des données, techniques, sociales, le suivi colis …). Nous sommes cependant revenus sur cette stratégie, en prenant conscience, notamment sur la base des retours d’expérience fâcheux d'autres entreprises de transport, que chaque éditeur était vraiment spécialisé dans son domaine. Et que les interfaces, quand elles fonctionnent, sont longues à mettre en place et assez peu fiables. Elles doivent être mises à jour au fil des évolutions de logiciels.



« Capturer les informations d’une semi et les faire apparaître sur l’ordinateur de bord en cabine »



Vous avez donc décidé d'acquérir un système d'informatique mobile, des PDA munis d’une application métier, plutôt que des ordinateurs de bord fixés aux véhicules…


Il nous a paru logique d'utiliser le système proposé par notre logiciel de gestion des transports Traplus, afin d'éviter les interfaces entre un PDA et un logiciel d’exploitation. L'idée est d’avoir, pour l’exploitant, une interface unique.




À l’origine, pourquoi avez-vous décidé de mettre en place un suivi des colis ?


Ce qui fait aujourd'hui la différence entre Jammet et un autre transporteur, c'est pour une bonne part la ponctualité. Nous avons vraiment besoin de savoir exactement, sur chaque  position, à quelle heure nous avons livré. Lorsque nous répondons à un cahier des charges — une matrice de destinataires dont chacun doit être livré tel jour à telle heure — c’est ce sur quoi nous nous engageons commercialement. Par exemple, aucun magasin de telle enseigne ne doit être livré après 7h30 du matin. C'est le point majeur de notre prestation. Il faut donc pouvoir suivre si les conditions du contrat auquel nous somme liés sont respectées.



De manière opérationnelle, comment vos exploitants ou vous-même contrôlez-vous le suivi des tournées ?


Sur cet écran, par exemple, je suis en mesure de vérifier que le chauffeur s'est bien présenté dans le créneau horaire contractuel pour ce destinataire. Le magasin X a été livré à 5h47, etc. Ce sont des données qui remontent directement dans le TMS, en temps réel, immédiatement visualisables par l’exploitant. Sur le PDA, de manière très basique, le chauffeur voit apparaître un pouce vert ou un pouce rouge. S'il clique sur le pouce vert, c'est que tout est en ordre. La validation de la livraison horodatée s'effectue immédiatement.  Nous pouvons aussi interroger la base de données pour connaitre tous les horaires de livraison émanant de tel expéditeur vers tel destinataire, sur une période donnée. Cela nous permet, en négociation commerciale, de justifier d'une qualité de prestation et de travailler précisément sur les livraisons « hors contrat ». En face, nous avons des  indicateurs clés (KPI) à respecter, à améliorer continuellement.  Nos clients exigent ce type de processus d'amélioration continue.



En outre, il est toujours préférable d'anticiper un problème, donc de visualiser la marche d'une tournée…


Tout à fait. Si une tournée de livraisons a pris du retard par rapport au planning prévisionnel, elle s'affiche en rouge, et l'exploitant appelle les destinataires suivants pour les prévenir. En termes d’optimisation, s'il voit l’état d’avancement de toutes les tournées, l'exploitant peut plus facilement  organiser les enlèvements de marchandises.  D'ailleurs, nous travaillons toujours sur ce sujet avec A Plus, car les enlèvements non prévus au départ sont encore difficiles à gérer en cours de tournée. Nous travaillons pour envoyer les instructions en temps réel au conducteur sur leur PDA.




Est-ce que les clients ont accès aux mêmes données ?


Pas pour l’instant. C'est néanmoins un prochain objectif de développement avec Traplus, via un portail client.



« Je peux vérifier que le chauffeur s'est bien présenté dans le créneau horaire contractuel du destinataire »



Conjointement à la mise en place de Distrimobile, le passage de la présentation traditionnelle en mode “caractères”  à la nouvelle version du TMS, et son interface plus ergonomique Traplus Web,   a-t-elle facilité la transition de vos processus métier ?


En effet, c’est une évolution majeure. Cette nouvelle présentation permet de rassembler sur un même écran toutes les informations nécessaires aux exploitants pour gérer leurs tournées de livraisons. Notez que nous pouvons afficher d’une manière très visuelle l’avancée de toutes les  tournées, et par un jeu de différentes couleurs, indiquer si des anomalies ont eu lieu. Le cas échéant, en cliquant sur la position, nous affichons le détail de la situation rencontrée.

La présentation de Traplus Web est particulièrement facile à utiliser, puisqu'elle rassemble les commandes de transport, la cartographie de la flotte déployée, et sur le côté gauche de l'écran, un onglet informatique embarqué où l’on retrouve tous les PDA en fonction à l'instant T, et les informations de base : le nom du véhicule, celui du conducteur, le numéro de dossier en cours. Si je clique sur la tournée de Raymond, par exemple, j'obtiens l'ensemble des points qu'il a livré ce matin. Son parcours est dessiné sur la carte à droite de l’écran.




Comment avez-vous déployé la flotte de PDA ?


Nous utilisons aujourd'hui 88 PDA. Nous arriverons à un total de 154  terminaux en novembre 2017. Pour reprendre l’historique, nous avons commencé à tester le système Distrimobile en octobre 2015, d'abord sur l'agence de Lyon (Heyrieux). Nous avons mis en place quatre mobiles sur des tournées existantes pendant 6 mois, avant d’élargir le pilote sur les autres agences, pour un volume total de 10 appareils. J'avoue que nous avions une certaine crainte concernant la conduite au changement des conducteurs. Mais cette appréhension a été vite levée, car le logiciel embarqué est très simple à utiliser, et qui plus est, sur un téléphone Samsung Android dont nos hommes connaissent bien l’interface (modèle durci Samsung XCover). Le produit n’est donc pas rebutant, contrairement à des terminaux logistiques plus complexes et encombrants.

Le test ayant été concluant, nous avons décidé de déployer la solution sur l'ensemble de l’entreprise, d'abord à Lyon en 2016, puis à Limoges en début d'année 2017, et à Cholet au printemps. Nous allons conclure ce projet avec l'agence de Fleuré (86) cet automne. Nous avons donc conduit la solution graduellement, en liaison régulière avec A Plus, afin d'affiner quelques fonctionnalités. Un exemple parmi d'autres : Lorsque l'on “survole” un véhicule avec la souris, on voit apparaître son numéro de téléphone. C'est bien pratique.



Comment les conducteurs sont-ils impactés par la mise en place de l'informatique mobile ?


L'objectif de Distrimobile est également d'éviter de solliciter les conducteurs trop souvent en leur demandant « t’es où ? ». Au cours d'une tournée, cela peut arriver si un destinataire ne voit pas un camion attendu et se renseigne chez nous. L’exploitant peut alors lui répondre directement.



Prévoyez-vous d'autres évolutions à venir en termes de traçabilité liée à Distrimobile ?


Actuellement, nous faisons évoluer le produit en collaboration avec Traplus, afin de gérer tout ce qui est lié aux supports de manutention, en particulier les palettes. Il s'agit pour nous d'une problématique très importante. Grâce à Distrimobile, nous allons avoir la possibilité d'unifier les procédures de gestion des supports au sein des Transports Jammet. Jusqu'à présent, nous traitions les flux de palettes de façon manuelle. Tout sera dorénavant notifié par le conducteur sur son PDA et enregistré  dans le système informatique de l'entreprise, de manière homogène. Résultat, nous allons tendre vers le zéro papier à l'horizon 2020.



Sur un plan plus général, comment voyez-vous l'avenir de votre système d’information ?


Cette évolution fonctionnelle du TMS, qui est véritablement le cœur de notre exploitation, entre dans le cadre du plan de modernisation de l'informatique des Transports Jammet à l'horizon 2022. L'objectif est que tout passe par le PDA Distrimobile, avec la numérisation des lettres de voiture, la capture de photographies des colis, la signature électronique, etc.  Tous ces documents seront transmis automatiquement dans le TMS, notamment via le module Traplus image, et pourront être envoyés à un client si besoin.



En ce qui vous concerne, quelle utilisation avez-vous de ce logiciel ?


Au quotidien, j'utilise le module Traplus Direction générale. On y trouve un outil de recherche multicritères, l'un des points forts de la nouvelle version Traplus Web. Je peux identifier les éléments relatifs à un transport spécifique ou à un ensemble de positions sur telle période et tel secteur géographique. J'obtiens facilement le détail de la facturation d'une position donnée, par exemple. Je regarde s'il y a des anomalies, le trajet effectué, etc. Bientôt, je disposerai également de tous les documents numérisés liés à ce transport. Par ailleurs, sur l'onglet résultats, je dispose d’un tableau de bord synthétique où toutes les informations sur l’activité du mois sont disponibles en temps réel.




Concernant maintenant le contrôle des températures, vous avez fait le choix d'utiliser la solution de traçabilité du constructeur de groupe frigorifique Carrier Transicold, plutôt qu'un système externe. Pourquoi ?


Toutes les solutions qui nous ont été proposées ne prenaient pas en compte le point de consigne, par exemple. Et bien que les divers fournisseurs d'informatique embarquée affirment que les interfaces avec les groupes frigorifiques fonctionnent, en pratique, la communication est assez laborieuse et incomplète. Les enregistreurs externes s’appuient sur des sondes autonomes, qui ne sont pas donc pas encapsulées dans le groupe. Résultat : Ils présentent une photographie des conditions de transport un moment donné ; seul l’enregistreur du groupe présente le film de l’acheminement frigorifique et permet d’analyser correctement les informations.



Comment récupérez-vous toutes ces données ?


Nous utilisons encore essentiellement une liaison sans fil locale, des bornes radio qui récupèrent automatiquement les données à chaque passage des véhicules sur nos sites. Les enregistrements obtenus sont stockés sur une base de données sécurisée et consultable à distance (Intranet). Nous évoluerons progressivement sur la nouvelle génération d’enregistreurs Carrier avec une transmission GPRS.




Comment procédez-vous concernant les données moteurs ?


Sur les véhicules industriels, j'applique le même principe. Le niveau des systèmes natifs est supérieur aux boîtiers d'informatique embarquée extérieurs, qui s'appuient sur une interface, un filtre FMS. Sur les nouveaux camions Mercedes-Benz  équipés du système FleetBoard, par exemple, nous avons constaté une qualité de remontée des données et d’analyses de la conduite indéniable. La solution est très performante. Pour l'instant, nous testons le système sur deux véhicules. Nous allons peut-être le déployer sur l'ensemble de la flotte, à moins que nous n’adoptions un système équivalent de notre principal fournisseur de véhicules industriels, qui est aujourd’hui Daf.

A l’évidence, nous allons privilégier les systèmes constructeurs, montés d’usine, notamment pour des questions pratiques. Quand on renouvelle des véhicules tous les 2 ans, comme c'est le cas chez les Transports Jammet, imaginez le temps qu'il faut pour monter et démonter des boîtiers externes ! Cela prend minimum une heure par véhicule.



Et en termes de coût ?


C'est encore difficile de juger aujourd'hui, mais globalement, une informatique embarquée de marque constructeur devrait entrer dans le prix global du véhicule.




Pour aborder maintenant un sujet d’actualité, la remorque connectée, expliquez-nous votre partenariat avec le carrossier Chereau.


Nous avons décidé de commander l'une des premières semi-remorques connectée en France, de marque Chéreau. Elle nous sera livrée en décembre 2017,  et sera suivie rapidement par une seconde. Si les tests sont concluants, l'ensemble de notre parc de caisses frigorifiques sera progressivement connecté.

Le conducteur disposera de toutes les informations sur un tableau de bord en cabine. Nous y voyons un intérêt formidable sur le suivi des températures. C'est toujours la même idée : utiliser l’existant pour rassembler des informations sur une seule interface et fiabiliser le flux de transport.

Aujourd'hui, le système fonctionne uniquement sur l'informatique embarquée des véhicules Volvo, Scania, et très bientôt Mercedes. Daf, dont nous sommes essentiellement équipés, devrait suivre rapidement. En effet, la solution Chéreau demande que les marques de poids-lourds ouvrent une partie de leur protocole.




Quelles seront les informations disponibles ?


Le multiplexage consiste à capturer toutes les informations intéressantes sur un semi-remorque pour les faire apparaître sur l’ordinateur de bord en cabine : relevés de température, point de consigne, etc. Tout cela en “direct live”. La démonstration à laquelle nous avons assisté a été faite sur un camion Scania. C’est assez bluffant. Hormis la traçabilité du froid, nous aurons accès aux informations de freinage, la hauteur de la semi, l'état de fonctionnement du hayon élévateur, le niveau de charge de la batterie… Il y aura sans doute beaucoup d'informations dont le conducteur n'aura pas besoin au quotidien, mais qui pourront s'avérer utile en cas de dysfonctionnement. Cela pourra représenter une aide importante au diagnostic. Précisons que le système Chéreau n'opère pas de transfert d'informations immédiates à l'entreprise. Il n'y a pas de carte Sim dans la semi-remorque.




Quels avantages opérationnels y voyez-vous ?


Le conducteur ayant toutes les données sous les yeux, il pourra informer son exploitant si besoin ; et cela sans descendre de sa cabine. Aujourd’hui, en cas de doute sur les températures, par exemple, il doit s'arrêter et consulter le groupe frigorifique. Il peut arriver que le groupe émette une alarme, voire s’arrête. Le chauffeur n'est pas au courant quand il roule. Demain, il en sera informé en temps réel. C'est une véritable avancée. Le petit bémol, c'est que tout va devenir plus compliqué au niveau des petites réparations à l’atelier. On ne pourra pas changer un faisceau aussi rapidement. C'est pour cela que nos mécaniciens vont suivre prochainement une formation chez Chéreau.


Wilfried Maisy







Jammet en faits et chiffres


Chiffre d’affaires        :      38 914 000€

     Tonnage transporté   :        304 000 Tonnes

     Volume transporté     :     1 700 000 Palettes

Nb Colis transportés  :     5 600 000 Colis

Nb commandes :     587 000 LV

Effectif  moyen :     456 Salariés

Matériels : 144 Moteurs (231 cartes grises)

Kms parcourus :     18 560 000 Kms