BOUYAT

Dematerialiser la reception des conducteurs routiers

L’écran d'accueil qui participe à réguler la réception des véhicules et l’organisation des chargements sur le site logistique des Transports Bouyat symbolise une chaîne d'information fluidifiée entre le prestataire et ses donneurs d’ordres, dans l'industrie du papier et du carton.



Ultra-moderne réception. A Etagnac, dans le Limousin, Hervé Bouyat et son fils Guillaume ont développé un processus logistique lié à un suivi des flux d'informations particulièrement  performant. Du sur mesure, conçu pour les besoins d'une clientèle industrielle spécifique : les papetiers. Dans un entrepôt agréable et clair, des bobines colorées aux tons pastel succèdent à de plus classiques palettes de papiers A4 qui vont être acheminés en France et dans le monde. En bord de quai, protégés par un grillage, plusieurs conducteurs observent en rang d'oignon la bonne marche du chargement de leur véhicule. Amusé, j'en prends quelques-un en photo. On les dirait un peu en cage… L'un d'eux m’explique qu'il est ainsi en sécurité, protégé du va-et-vient des chariots de manutention. À l’extérieur, à l'entrée de l’établissement, on ne trouve pas d'agent de réception, mais un box enfermant un comptoir et un grand écran. La borne tactile est le point d'orgue d'une transformation logistique majeure, assortie d'un partenariat informatique entre le transporteur et ses clients.


Un maximum de deux heures sur site


« Les chauffeurs qui entrent sur notre site sont accueillis par une borne tactile. Ils sont invités à cliquer sur le drapeau qui représente leur nationalité, notre application répertoriant une vingtaine de pays, explique Hervé Bouyat. Par la suite, le conducteur saisit son numéro de chargement. Les instructions de sécurité sont ensuite imprimées dans son langage, On lui attribue alors un quai ou une place de parking, en fonction de son RDV. En amont, notre site logistique a établi un planning qui répertorie tous les camions devant arriver dans la journée, heure par heure, avec une capacité horaire de 6 camions. Sachant que nous nous engageons à ce qu’un camion ayant respecté son RDV ne passe pas plus de 2 heures sur notre site. »


L'activité logistique des Transports Bouyat fonctionne 24 heures sur 24 et 7j/7. Les préparations de commandes se font pendant la nuit, sur la base des ordres expédiés par informatique en EDI, de manière automatique. Le matin, à 6 heures, toutes les commandes doivent être prêtes dans les zones d’expédition. « C'est ainsi que, sur l'ensemble de nos 3 sites totalisant 22 500 m² d’entrepôts, nous arrivons à traiter une centaine de camions par jour », développe le chef d’entreprise. Ainsi, à son arrivée, un conducteur ayant renseigné son numéro de lot, la machine lui attribue une heure et un emplacement pour charger. Elle lui imprime tous les documents nécessaires, et il peut se mettre en place. »


Avant de mettre en place ce processus, l'entreprise a pu observer les problèmes inhérents à la réception de chauffeurs parlants des langues diverses, avec lesquels  ses équipes avaient souvent du mal à communiquer. Il s'ensuivait des goulots d’étranglement, des retards et des litiges.  « Aujourd’hui, avec ces nouvelles organisations, c'est beaucoup plus confortables pour tout le monde, se félicite Hervé Bouyat. Les chauffeurs savent qu'on va s’occuper d’eux, et les dysfonctionnements sont quasi inexistants. »



Garants de l'expédition


Parallèlement, le logisticien affiche « sa transparence » via un portail client qui rappelle toutes les étapes des opérations. « Notre client peut vérifier en live sur notre portail web que tel camion est bien arrivé, et à quelle heure. Nous consignons la qualité du véhicule – sa bâche, son plancher etc. Une fois chargé, nous remontons sur le site des Transports Bouyat les images du chargement – nous prenons en photo le sanglage, les barres d’arrimage. S'il s'agit d'un container, nous vérifions qu'il est bien équipé d'airbags, et de dispositifs d’étanchéité. Nous plaçons des sacs absorbeurs d’humidité. Bref, nous sommes garants de la bonne tenue de l’expédition, que la destination soit à l'autre bout de la France ou aux États-Unis, et du respect du cahier des charges. A défaut, nous ne chargeons pas le véhicule. Et en cas d'avarie à l’arrivée, notre client a accès à toutes les données lui permettant de juger de la situation. » Le patron insiste sur le rôle essentiel du conditionnement : « Vous avez beau fabriquer le plus beau produit du monde, s'il n'est pas correctement emballé et transporté, s’il arrive en mauvais état ou en retard, le résultat peut être désastreux ! ».


A l’origine, tout ce processus fut mis en place en collaboration avec le plus gros client des Transports Bouyat : International Paper, une entreprise papetière américaine centenaire, qui  représente aujourd’hui le premier groupe mondial dans ce domaine. Elle dispose de 8 sites de production en France, dont une usine à Saillat, dans le Limousin, à proximité immédiate de l'établissement logistique du transporteur. Cette dernière produit à la fois du papier et de la pâte à papier. A l’époque, International Paper travaillait avec plusieurs prestataires logistiques, les opérations étaient moins encadrées, moins tracées, et les avaries fréquentes.  « Nous avons décidé de centraliser la logistique du site de Saillat sur un seul entrepôt proche de la production, et avons complètement revu nos échanges d’informations, poursuit Hervé Bouyat. Pendant 5 ans, nous avons travaillé sur le traitement physique des marchandises sur la nouvelle plate-forme, puis sur les interfaces informatiques nécessaires, afin de sécuriser toutes les opérations par EDI (échange de données informatisées). »


Dans une démarche d'amélioration continue, Bouyat affine aujourd'hui les plannings de chargement, pour réduire encore les temps d’attente.  A l'exemple des sociétés Roulaud Transports (87) et Izaret (87), les principaux prestataires français qui viennent charger chez Bouyat, ces derniers sont aussi dans la boucle informatique. Ils doivent s’inscrire sur un planning de rendez-vous figurant sur le portail de l'industriel concerné.


Une enveloppe informatique de 450 000 €


Précisons que les trois sites logistiques des transports Bouyat, s'ils se jouxtent, sont tout de même isolés les uns des autres. Pour une question simple de concurrence : le logisticien travaille pour les quatre principaux papetiers de la région. Si les camions se croisent, chacun d'eux est dédié à un industriel. Les procédés d'échanges d’informations, et l'accueil digital des chauffeurs mis en place avec International Paper ont été  reproduits auprès d'autres industriels, les papetiers Smurfit Kappa, Rossmann, Publi Embal, mais aussi les autres clients de Bouyat – fabricant de cartons, sacs à pain, papiers de boucherie et autres sacs agroalimentaires.

Des investissements lourds ont été entrepris : une cellule  de développement interne, 5 ans de travail et une enveloppe informatique de 450 000 €, sur un coût total de près de 10 millions d'euros comprenant l'immobilier, les rayonnages, la manutention . « L'objectif premier, c'est la qualité, la satisfaction du client que l'on fidélise sur le long terme, affirme le chef d’entreprise. On sécurise le maillon de la filière papier. Mais l'idée est aussi de réduire les coûts, d’obtenir des gains de productivité, donc de rentabiliser tous ces développements. En outre, sur le plan commercial, ce premier contrat avec International Paper nous a permis de solliciter d'autres acteurs de la filière, et au-delà. »



Une affaire de famille


Une personne contrôle à temps plein la qualité des opérations, qui n'est autre que l'épouse d’Hervé Bouyat. « Elle me suit de très près, s'amuse le chef d’entreprise. Aucun problème n'est acceptable. Plus sérieusement, les gains qualitatifs ont été extraordinaires depuis 4 ans, en particulier au niveau des livraisons de containers. Aujourd’hui, la qualité est totale, c'est quasiment du 100 %. Notre client a pu se décharger de son service de gestion de la non qualité. Les économies sont incontestables. »


Sur les questions informatiques, c'est le fils d’Hervé, Guillaume Bouyat, qui est le véritable chef d’orchestre de l’entreprise. A l’âge de 17 ans, il était encore en stage dans la structure familiale quand lui est venu l'idée d'une borne de réception automatisée. Il développe :  « Tout le processus d'échange de données informatisées a débuté avec International Paper, qui travaille selon une convention intitulée Papinette — une norme internationale EDI partagée par  l'essentiel des acteurs industriels de la papeterie et du carton. Nous avons adapté notre propre système de gestion d’entrepôt – le WMS Mecalux  – afin qu'il puisse communiquer avec ce dernier. Cette interface permet de recevoir et d’envoyer des messages sans ressaisie, donc de lire les codes barres des marchandises échangées. Chaque code barre, unique, enferme un ensemble de données spécifiques à la papeterie. Au niveau opérationnel, à la réception, au rythme d'un camion par heure, toutes les caractéristiques des palettes ou des bobines – dimensions, type de produits, etc. – sont traduites et connues par notre WMS, qui les enregistre tel quel par un simple scan, sans autre intervention humaine. »


L’actualisation de tous les nouveaux produits se fait quotidiennement à 5 heures du matin. L'interface joue également le rôle d’un filtre permettant d'identifier les erreurs.  « Par exemple, si nous réceptionnons deux codes-barres identiques, le WMS va réagir pour nous indiquer que cette palette et déjà stockée », poursuit le jeune entrepreneur. Guillaume détaille la seconde étape de ce processus, qui se joue après la transmission des commandes clients à distribuer dans la journée.  « Ces dernières sont beaucoup plus complexes, nous répertorions plus de 2500 références en stock, des papiers de toutes sortes ! La convention Papinette nous permet ici de reconnaître tous ces produits, mais aussi d'identifier précisément leur destination internationale. Une fois le chargement terminé, nous validons l’opération, transmise en EDI au papetier qui peut à son tour facturer son client. » et d'indiquer que, sur l'enveloppe de 450 000 €, la partie interface en représente 100 000.  « Cette somme se justifie par la facilité de travail obtenue. Aujourd'hui, si nous sommes amenés à servir un nouveau papetier, en supposant qu'il n'utilise pas déjà la convention standard, c’est à lui de s'aligner sur notre système pour communiquer en EDI. »


Le transporteur songe également à commercialiser son système de bornes tactiles auprès d’autres logisticiens, même si cette diversification n'est pas encore tout à fait à l’ordre du jour. « Pour l’instant, nous nous concentrons sur notre métier, que nous pratiquons depuis 5 générations, insiste Hervé Bouyat suivi de son fils. Mon arrière-grand-père a démarré en tant que charretier en 1897. Nous restons une PME, et sommes très fiers du travail accompli, de la reconnaissance de nos clients. » Le chef d’entreprise conserve un regard humble, se rappelant les efforts accomplis pendant les 3 premières années de développement. « Cela n'a pas été simple tous les jours. Mais aujourd’hui, lorsque nous rencontrons le service qualité d’International Paper, ces réunions sont un plaisir. »



Wilfried Maisy





30 camions spécifiques


Pour ses propres véhicules, les Transports Bouyat ont investi dans un système et de chargement et de déchargement automatique de camions, une solution de fond mouvant conçue par le carrossier Legras à Épernay (51). Des bobines de papier d'un poids de 3 t peuvent être manipulées sans qu'un chariot élévateur monte dans la semi-remorque. Un système de motorisation actionnant des lattes de plancher déplace les bobines à l'intérieur de la caisse. « C'est plus sécurisant, car pour déplacer une telle masse indivisible, nous avons besoin d’un engin de 10 t, qui pourrait passer à travers le plancher ». Et de préciser : « La société familiale Legras est un partenaire de longue date. Nous avons ensemble d’autres projets de développement industriel pour certains clients. »

Le transporteur dispose de 30 véhicules industriels en moyens propres, ainsi que d'une cellule d’affrètement. Il est spécialisé dans la location de véhicules assez spécifiques, équipés par exemple de bras hydrauliques. Il travaille aussi dans les domaines de la nutrition animale et de la nutrition humaine, avec des camions de transport de vrac.






Une manutention aux petits soins


Le logisticien Bouyat a investi dans une flotte de chariots électriques Fenwick,

qui participent à la productivité de sa logistique.


Des entrepôts chauffés, protégés par un système anti-incendie (installation fixe d'extinction automatique à eau ou sprinklers), des espaces de protection pour les chauffeurs pénétrant sur le site logistique… et des engins de manutention modernes, collant aux exigences de qualité d'une logistique à flux tendus. Le logisticien exploite des chariots élévateurs Fenwick 100 % électrique : Deux chariots E20 (2 t de capacité nominale) et deux E16 (1,6 t) à simple fourche ; un transpalette T18 utilisé pour le transfert de charges. Il exploite également 2 chariots rétractables R16 pour circuler dans les rayonnages. En gamme lourde, l'entrepôt Bouyat enferme 9 chariots frontaux électriques E30 pour le déchargement, le chargement des camions et la préparation de commandes en masse, et deux chariots élévateurs tri-directionnels K à nacelle élevante, pour les rayonnages à grande hauteur.


Le parc se compose donc d'une vingtaine de machines disposant des derniers équipements technologiques de prévention des risques. Car si les chariots sont de plus en plus performants et productifs, ils doivent aussi garantir une sécurité maximale. Un système breveté d’aide au pilotage, par exemple, est intégré sur ses frontaux électriques de 1,6 tonne à 5 tonnes. Ce moniteur multifonctions est destiné à informer, alerter et réguler le comportement du chariot en fonction du poids de la charge, de son centre de gravité et de la hauteur de levée souhaitée. Objectifs : diminuer les manœuvres à risque, protéger le cariste et préserver les charges transportées.


Sur le plan énergétique, une autre préoccupation majeure des logisticiens et de leurs fournisseurs,  le constructeur propose une large gamme de chariots élévateurs équipés de batteries lithium-ion (transpalettes, tracteurs électriques, préparateurs de commandes au sol, gerbeurs, chariots frontaux électriques…). « Sur les préparateurs de commandes K, en particulier, nous disposons d'un système évolué de nacelles élévatrices avec une récupération de l'énergie lors des descentes, témoigne Hervé Bouyat. A mon sens, l'aspect social du travail de manutention est extrêmement important. Nos chariots ne produisent pas d'émissions polluantes. Ainsi nos collaborateurs ne respirent pas de gaz ni de fumées toxiques. Ils n'y laissent pas leur santé. »

Les préparateurs, qui s'élèvent à plus de 10 m de hauteur dans des allées étroites, servent à stocker et à charger des palettes de papiers. Leur direction est électrique, et ils disposent d’un contrôleur de traction afin de gérer en temps réel la vitesse dans les virages et en élévation.


Autre point important : le confort de conduite et l'assise de l’opérateur, avec des leviers hydrauliques ergonomiques et des sièges qui n'ont plus rien à envier aux véhicules industriels ou aux berlines ! Les E30 sont équipés d’une assise « luxe » permettant de protéger le dos, le principal mal potentiel du cariste. « Les chariots Fenwick de dernière génération sont suspendus sur 4 points, c'est-à-dire qu’ils sont conçus pour absorber les chocs, se félicite le chef d’entreprise. En outre, ils sont équipés  d'un système de freinage automatique au relâché de la pédale. Le cariste manœuvre en toute sécurité, protégé par sa cabine monobloc. »


En termes de productivité, le coût supplémentaire de ces chariots modernes est compensé par un rythme de travail plus soutenu, sans fatigue supplémentaire pour le cariste, assure le patron. « Grâce à un système de double fourche, l'opérateur peut saisir quatre palettes en même temps. En outre, l'autonomie  des batteries a beaucoup progressé, elle est largement suffisante même dans le cadre d'une exploitation intensives comme la nôtre. »